Une carte postale (retrouvée) de Monpazier.
La première chose que je fais en arrivant, après avoir déposé ma valise, c'est d'aller voir Cybelle! Elle m'a tellement manqué! Et j'ai dû lui manquer aussi car elle se met à ronronner immédiatement! C'est certain qu'elle me reconnait! Elle sait très bien qu'ensemble nous irons nous promener et que nous en verrons des paysages! Après l'Italie, la Suisse, la Belgique, l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Espagne et les nombreuses régions de la France que nous avons visité, jusqu'où irons-nous cette année, ma belle?
Comme de l'Espagne je n'ai vu que Barcelone, pourquoi pas aller visiter le reste du pays? Je pourrais longer la Costa Brava jusqu'en Andalousie, me rendre jusqu'au détroit de Gibraltar et qui sait, peut-être même le traverser? Et pour finir, je pourrais remonter par le Portugal. Dis-moi, ma chère Cybelle, qu'en penses-tu? Mon itinéraire te plaît-il? Évidemment, comme d'habitude, je pourrai le modifier en cours de route. Tu me connais! Mais avant tout ça, pourquoi n'irions-nous pas dire bonjour à Lacapelle?
Aussitôt dit, aussitôt fait, nous voici en route. Ah oui, elle est vraiment contente de me revoir! Elle ronronne de plaisir tout le long du trajet. Un vrai plaisir à conduire!
Après un bref bonjour à mamie, René et Éliane, je reprends le chemin de la maison car le sommeil me rattrape. Le temps de passer à la boulangerie pour acheter une baguette et deux croissants au beurre pour demain matin et me voici en route.
Lorsque j'arrive à la maison, les deux croissants sont déjà avalés et la baguette est sérieusement entamée. Je vais à la cave afin de rétablir le courant, ce que j'aurais dû faire avant d'aller à Lacapelle pour que le chauffe-eau commence à faire ce qu'il fait de mieux; chauffer l'eau! Une fois fait, je me redirige vers le garage et là, qui vois-je? Junior, mon fidèle compagnon de voyage, tout rouge de me voir de retour. Lui aussi semble s'être ennuyé! Je le regarde, là, tout poussiéreux, debout devant moi. J'examine ses nombreuses cicatrices faites lors de nos précédentes aventures. Cicatrices que nous avons en commun car, solidaire, chaque fois qu'il trébuchait, je me cassais la gueule également!
Sa selle fendue, souvenir de Rome, sa pédale gauche toute neuve, souvenir de Barcelone, sa roue arrière voilée lorsqu'elle s'est coincée dans le rail d'un tramway à Amsterdam. Une de mes plus mémorable cascade... involontaire! J'étais passé par-dessus le guidon pour faire une culbute tête la première sur le bitume alors qu'un tramway arrivait. J'avais tout juste eu le temps de me relever et de le dégager de sa fâcheuse position.
Ah! Que de souvenirs! Qu'est-ce que nous en avons fait des kilomètres ensemble depuis plus de 25 ans! Il m'a vu grandir et moi, je l'ai vu vieillir. Toujours fidèle même si je lui ai brisé le cœur à maintes reprises alors qu'il flirtait avec, tantôt un poteau, tantôt une clôture. N'était-il pas triste, l'année dernière, lorsque je l'ai séparé d'une poubelle amsterdamoise qu'il courtisait près de l'auberge de jeunesse? Elle-même semblait avoir un sérieux béguin pour lui. La preuve c'est qu'au nombre de vélo qu'il y a à Amsterdam, elle était toujours libre lorsque nous arrivions. Je la soupçonne d'avoir évincé plus d'un vélo qui l'ont approché pour garder une petite place pour son beau Junior! N'a-t-elle pas versé quelques larmes lors de notre départ, ne pouvant contenir son trop plein de détritus et d'émotions.
C'est au moment où j'entre dans la maison que je le vois. Lui. L'autre. Celui qui, avec sa jeunesse insolente, brille de tous ses rayons, avec son porte bagage inexpérimenté et son jeune cadre encore vert, veut remplacer mon fidèle compagnon. Comment réagira mon complice de toujours lorsqu'il réalisera que c'est ce jeune blanc-bec qui montera dans la voiture et que lui sera condamné à rester accroché à son vieux clou rouillé dans cette cave noire, lugubre et humide? Comment pourrais-je lui expliquer qu'après tant d'années à voyager ensemble, je le délaisse pour un autre plus jeune, plus beau? (Pas si beau!) Me croira-t-il si je lui dis que je n'y suis pour rien. Si j'avais réellement eu envie de me débarrasser de lui, j'aurais pu le faire l'an dernier. Au lieu de ça, j'ai préféré lui payer une cure de Jouvence. Pensera-t-il que je l'abandonne à cause des nombreuses chutes que nous avons vécu tout le long de nos escapades?
Il faudra que j'essaie de faire entrer discrètement son rival dans la voiture. Jamais je n'aurai le courage de lui avouer qu'il ne m'accompagnera pas cette année. Ça l'achèverait!
Après toutes ces émotions, je vais me coucher.
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